NOTES

 

Cette affaire-là est beaucoup moins célèbre et beaucoup plus obscure que le chasse-mouches du dey d'Alger. Voltaire est peut-être à l'origine de cette version moderne du nez de Cléopâtre. Analysant les raisons et les voies du revirement politique qui conduit la reine Anne à se séparer du parti whig et de son chef, le duc de Marlborough, pour négocier la paix avec la France dans la guerre de succession d'Autriche, Voltaire met en cause l'ancienne favorite de la reine, Sarah Jennings, devenue duchesse de Marlborough. Elle aurait manqué de respect à la nouvelle favorite de la Reine, Mme Abigail Masham, provoquant ainsi une rupture sans retour: « Les jalousies de la duchesse éclatèrent. Quelques paires de gants d'une façon singulière qu'elle refusa à la reine, une jatte d'eau qu'elle laissa tomber en sa présence, par une méprise affectée, sur la robe de madame Masham, changèrent la face de l'Europe. [...] Les Torys saisirent cette conjoncture pour tirer la reine de cet esclavage domestique, pour abaisser la puissance du duc de Marlborough, changer le ministère, faire la paix, et rappeler, s'il se pouvait, la maison de Stuart sur le trône d'Angleterre. » (Siècle de Louis XIV, ouvrage cite, p. 216.)

Ces lignes provoquèrent une polémique; l'anecdote devint légendaire et l'eau se change en thé, le goût qu'en avait la reine Anne étant célèbre. De sorte qu'à la fin des années 1820 divers textes y font allusion comme à une vérité historique « ... à la cour de la reine Anne d'Angleterre, une tasse de thé, renversée sur la robe d'une favorite, changea le système politique de l'Europe. »